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Revue des marques : numéro 66 - Avril 2009
 

Entre le bio et le techno, les enjeux pour la peau

Depuis quelques années, les dimensions biologique et technologique connaissent en cosmétique unemême expansion. Pourtant, ces deux courants semblent opposés. Enjeux et pistes prospectives.

Propos recueillis par Pascale BROUSSE*.



Entre le bio et le techno, les enjeux pour la peau
D'un côté des formules no no(1) et un système d'écologie de la peau ; de l'autre la pérennité du modèle scientifique et une course aux résultats visibles et immédiats.En surfant sur les courants de la simplicité et du naturel, le bio rassure. Il permet de stopper la surenchère cosmétique et le discours toujours plus complexe des marques installées (on a parfois l'impression qu'on vous vend un moteur de voiture au lieu d'une crème !). Il permet d'opérer le retour aux fondamentaux dont nous avons tant besoin en ces temps de crise durable. Longtemps considéré comme une niche, il est aujourd'hui un acteur installé dont la part de marché mondiale pourrait approcher 10% en 2010(2).

De ce fait, tout le monde s'est jeté sur le gâteau: les marques, les distributeurs, la presse… Entre les nouveaux entrants (OLC, Mon Soin du visage), la stratégie de dédoublement (Nuxe Beauté Bio, Skeen&Vegeticals) et la vague d'achats (Sanoflore par L'Oréal,Kibio par Clarins,Melvita par L'Occitane), le secteur semble presque afficher complet. La distribution, quant à elle, a eu un impact important auprès des consommateurs en consacrant de vrais espaces aux marques bio depuis 2006- 2007 (Selfridges, Le Printemps, Naturalia Beauté à l'instar de Whole Foods Beauty US). Et lesMDD se sont engouffrées dans la brèche (Marionnaud,Sephora,Carrefour), prenant de vitesse certains acteurs des cosmétiques qui se demandent encore s'ils vont y aller.Un domaine reste à prendre : celui de l'écospa, dont l'essor devrait être considérable dans les prochaines années (cf. l'ouverture de celui d'Yves Rocher et les bonnes pratiques du spa L'Occitane).

Enjeux du bio

Aujourd'hui l'offre bio est en pleine mutation : plus accessible, plus diverse (des parfums au maquillage en passant par les articles pour hommes), plus glamour, voire plus scientifique(discours Nuxe). Quels sont donc ses enjeux et ses perspectives ? En premier lieu, l'harmonisation des labels à l'échelle européenne, prévue cette année. Qui l'emportera entre Ecocert et Na True ? Les normes de certification varient beaucoup. Que penser d'un label qui certifie qu'une marque est bio quand seulement 10% desactifs le sont ? N'y aurait-il pas tromperie sur la marchandise ? L'apposition d'un label unique présentant une charte ad hoc aura du poids, car il permettra une fois pour toutes au bio de se distinguer du naturel. Textures, odeurs et conditionnement sont à bonifier.Un autre enjeu de taille est celui des matières premières, entre leur insuffisance (lavande certifiée française) voire leur disparition (bois de santal). La rançon du succès… Pour autant, les pistes de développement pour demain sont multiples.
Le local est le nouveau bio, sur le principe des locavores(3) ou du “buy local market's farmers” anglo-saxon : Wala (Dr Hauschka), pape du bio, a depuis longtemps sa propre production in situ. Tout comme Weleda, qui mise sur des partenariats avec de petits producteurs. La capitalisation sur les ingrédients du biotope sera un impératif en ces temps de relocalisation.
Directement liée à la première piste, il y a le bilan carbone dont se sont emparées certaines marques (Neals Yard Remedies avec son “Carbon Neutral”, Aveda, Sampar).Que vont devenir celles qui chinent leurs actifs à l'autre bout de la planète ? Peut-on allier écologie et commerce équitable ? La donne du bilan carbone obligatoire pour l'ensemble des biens et services, dès 2011, va bouleverser les comportements d'achat, et mettre en valeur les démarches citoyennes intégrées au produit et au prix (cf. les entreprises green-tech californiennes). Il faut compter aussi avec le système de micro-don : très prisé dans la mode, son action dans les cosmétiques est saluée, à l'instar de Kiehl's et de son partenariat avec la Fondation Angelina Jolie & Brad Pitt. Ou comment ajouter du sens à nos achats déclinants…

Entre le bio et le techno, les enjeux pour la peau

Le culte de l'esthétique

Après cette partie verte, empruntons la rampe a priori opposée, celle de la perfection par la recherche scientifique. Le culte des apparences est à son paroxysme : 86 % des femmes ont envie d'être plus jeunes(4). La technique en cosmétologie est vécue comme une source de performance avancée: en répondant à une exigence de résultats visibles et immédiats au travers de ses galéniques (actifs de pointe, haute concentration), de l'appareillage vendu pour la maison (mini-appareils au design ludique),de transfuges médicaux de plus en plus visibles (par la sémantique avec “Dr Brands”, “diagnostic”, “Medi-Spa”ou par les axes de recherche sur les cellules souches, sirtuines et autres protéines…). Jusqu'où ira cette technique ? La dimension esthétique est un phénomène mondial. Elle est socialement intégrée dans de nombreux pays. Botox et Fillers, stars de l'anti-âge, deviennent d'une banalité extrême, intégrés au discours de vente cosmétique (“pre-post-op”), en processus de retouches rapprochées (“basic maintenance”) voire d'acte préventif (Baby Botox à 20 ans) aux effets variés (anti-acné, antitranspirant). A New York, le consommateur peut se faire faire une piqûre de rappel en quinze minutes chez Smoothmed, la boutique Botox-on-the-go proche de Bloomingdales.Dans les pays anglo-saxons, la Medispamania est bien avancée, les contraintes légales étant moins exigeantes. La cosmétique en a depuis longtemps tiré affaire : chez Klinger, dans l'un des luxueux malls de Dallas, les portes du Medi-Spa communiquent avec le magasin Sephora (chez qui la ligne cosmétique de Klinger, Cosmedicine, est vendue en exclusivité),de sorte que la cliente passe de l'achat d'une crème à celui d'une injection ou vice-versa.

Entre le bio et le techno, les enjeux pour la peau

Surenchère technologique

On ne compte plus les gammes de soins en propre des Medi- Spa, ni celles des marques de beauté. Récemment, Clinique s'est alliée à Allergan pour vendre en réseau exclusif sa ligne de produits Clinique Medical. Même les compléments alimentaires prennent le pas, à l'instar de Glisodin Skin Nutrients, vendu dans les Medi-Spa nord-américains, un choix de circuit astucieux. Dans ces lieux, la surenchère des techniques est impressionnante. Elles se démodent en six mois : carboxythérapie (Royaume-Uni, Japon), SmartLipo, Vibradermabrasion, pour n'en citer que quelques-unes. Avec les mini-appareils pour traiter la peau à la maison et l'essor des diagnostics, le panorama est presque complet côté “techno”. L'énergie est sollicitée pour stimuler les fonctions biologiques de la peau et l'action des produits. La FDA (Food & Drug Administration) américaine autorise régulièrement la mise en marché de nouveaux mini-devices qu'on voit en linéaire chez Sephora ou en grands magasins (Selfridges, Bergdorf Goodman), à l'instar du Tria, premier système d'épilation laser utilisable à domicile, ou du tout récent dispositif LED du Dr Perricone. Les esthéticiennes ont du souci à se faire. Quant aux diagnostics de la peau, ils ont un avenir royal. Même si le concept est encore peu abouti, ils se développent (Visia SkincareAnalysis en tête). Déjà se profilent la reconnaissance biométrique par ordinateur et l'analyse en trois dimensions (partenariat L'Oréal, hôpital Saint-Louis).
Côté crèmes de soin, une vague d'actifs revendiquent la présence des sirtuines, protéines de longévité (Re-Nutriv d'Estée Lauder, Proxylane chez Garnier e tHelena Rubinstein), et bien sûr celle des cellules souches (Amatokin ou Dior, qui signe les prémices de la cosmétique régénérative avec Capture 60/80 XP). Au-delà de ces axes de recherche, on ne peut passer sous silence la révolution des thérapies géniques, qui ouvrent la voie à la cosméto-génétique, avec des soins formulés après prélèvement d'ADN. De récents lancements s'en inspirent : Genifique de Lancôme, Retinology de Lancaster, Pro X d'Olay. Comment la cosmétique peut-elle conserver son crédit en s'investissant sur un tel créneau ? L'achat d'une crème ne fait plus croire à une cliente que ses rides vont s'envoler en un tourne main. Il s'insère dans une routine globale de maintenance et de forme : diète, gymnastique, appareillage, injection et compléments alimentaires. La tendance est à la mise à distance d'un discours de marque trop technique, à force de promesses et de modèles inaccessibles, et décalés avec la réalité. Par ailleurs, le programme Reach sur l'autorisation des composants chimiques risque de malmener plus d'une marque. Déjà les nanotechnologies, le mercure (dans les mascaras), le sulfate (dans les shampoings) sont dénoncés par certains médias. Plusieurs pistes pourraient être suivies dans le domaine de la technologie des cosmétiques : une nouvelle génération d'agents de protection (antipollution, anti-radiations…) ; la prédiction de la sensibilisation de la peau(5), alternative aux tests sur animaux (projet Cosmetic Valley) ; les systèmes de délivrance intracutanée tel le Melatonan (autobronzant), sous forme d'implant sous la peau…
Quel équilibre trouvera la cosmétique entre des inclinations qui semblent si opposées ? Quel est l'avenir de la cosmétotechno, face aux attaques qui la mettent en cause (principe de précaution, dénigrement du chimique) ? Quel est l'avenir pour la cosméto-bio, si elle est défiée sur son propre terrain par la filière “naturel tracé” ou par la chimie à prétention cent pour cent saine? Et si la beauté du futur réussissait à résoudre l'équation parfaite : haute technologie plus ingrédients ultra-sains, plus galéniques sensorielles,plus développement durable ?

Le culte des apparences est à son paroxysme : 86 % des femmes ont envie d'être plus jeunes. La technique en cosmétologie est vécue comme une source de performance avancée.

Notes

(*) Cabinet Trend Sourcing
(1) Formules “sans” : sans paraben, sans test sur animaux, sans colorant…
(2) CAestimé :7milliarddedollars en2007 (sources :OrganicMonitor,salonVivaness 2008).
(3) Courant américain dont la production-consommation alimentaire se fait dans un rayon de 100miles.
(4) Sondage Ifop Version Femina, été 2008.
(5) Il s'agit d'évaluer le risque d'allergies cutanées consécutives à l'exposition à telle ou telle substance utilisée par exemple dans une teinture capillaire.
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