Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 60
Top
Revue des Marques - numéro 60 - octobre 2007
 

Virilité "soft"

Si l'image de l'homme a partiellement évolué dans la publicité, ce changement est mesuré, comme on peut attendre d'un outil de communication qui surfe sur les évolutions plus qu'il ne les anticipe ou les devance.

Par Pacal Barragué*


Virilité

La question de la place des hommes dans la société, des évolutions que subit l'identité masculine, d'une virilité qui serait en mutation passionne indubitablement aujourd'hui les médias, que ce soit la presse professionnelle du marketing et de la communication ou la presse grand public. Derrière le phénomène de mode et ses avatars (David Beckham et autres metro/übersexuel), il est indéniable qu'un certain nombre d'évolutions sociales pèsent sur les hommes et la définition que la société se fait d'un homme/des hommes. Il n'est pas ici question de se prononcer sur ces évolutions (sont-elles aussi rapides et marquées qu'on nous le dit ?),mais d'essayer d'envisager dans quelle mesure la publicité se fait l'écho d'un changement de représentation de l'homme. Quelles sont donc les répercussions sur l'image de l'homme que la publicité nous donne à voir ?

Précautions d'usage

Virilité

Il faut d'abord souligner les difficultés méthodologiques existantes pour mesurer avec exactitude ces incidences. Une approche un tant soi peu scientifique devrait analyser un corpus énorme, même en limitant l'étude à la France. Il faut ensuite avoir conscience que le point de vue adopté influence fortement la réponse que l'on peut apporter à cette question : si on concentre l'analyse sur des messages publicitaires qui mettent en scène le changement le plus "extrême", on risque d'aboutir à des conclusions bien différentes que si on se concentre, par exemple, sur l'image des hommes véhiculée dans les publicités des principaux secteurs investisseurs. On doit enfin se débarrasser de la tentation d'une position "extrême" qui serait gratuitement polémique ; il ne s'agira pas d'asséner que la publicité est aussi macho que la société, qui déshabille les femmes pour tout et surtout rien et se garde de faire subir le même sort aux hommes, ni d'adopter le point de vue inverse en dénonçant une publicité atteinte de misandrie, qui donne le pouvoir à des femmes toute-puissantes et castratrices...

Mutation et invariance

Plutôt que d'une véritable analyse, il s'agit ici de réflexions subjectives et d'un point de vue personnel. L'homme a changé... L'homme ou bien plutôt les hommes que met en scène la publicité évoluent en douceur... du moins en apparence. Cette représentation changeante accompagne des évolutions sociales bien réelles et ce que d'aucuns appellent la "féminisation" de la société. Quatre points majeurs sont à souligner.

L'homme et ses attributs : l'homme peut ainsi, sans déchoir, se reconnecter avec ses émotions et pleurer tout en restant un homme (Ikea).

L'homme et ses fonctions : les hommes investissent également certaines des activités plus traditionnellement dévolues aux femmes, comme la préparation des repas (à noter cependant que les grands chefs sont souvent des hommes).

L'homme et son image : l'homme se préoccupe aussi de son apparence... La représentation d'un homme épris de sa beauté et soucieux de plaire est donc en pleine croissance.

L'homme et son rôle : l'homme devient un père avec des attributs maternels et un comportement maternant (Seat). Néanmoins, cette évolution de l'image de l'homme en publicité est à nuancer et à relativiser. En effet, au-delà des évolutions traduites dans la publicité, on ne peut ignorer que l'image des hommes reste lisse, positive, sans beaucoup d'aspérités... Encore peu de minorités, que ce soit des personnes âgées, de couleur, etc., sauf si, bien sûr, le propos le justifie (produits anti-cholestérol, produits "djeuns" à l'instar d'Erik & Ramzy pour la BNP ou de Doc Gynéco pour M6 Mobile, etc.).

On ne peut, non plus, ignorer que l'image reflétée par la publicité reste consensuelle pour ne pas dire traditionnelle vs la créativité marketing dont font preuve un certain nombre de secteurs économiques et de marques. La publicité, comme outil de communication de masse, s'adresse au plus grand nombre et le portrait qu'elle dresse des hommes est par nature plus traditionnel que celui que dessine l'industrie de l'apparence (textile, beauté, etc.) :peu ou pas de publicité pour les bijoux, le maquillage pour homme, si ce n'est dans des médias ciblés voire confidentiels. Le contenu rédactionnel des médias est de ce point de vue bien plus "avant-gardiste" qu'une publicité encore frileuse. N'oublions pas non plus qu'un grand nombre de messages publicitaires dessinent une image de l'homme dont les fondements correspondent toujours aux mythes et aux figures traditionnelles de l'homme. Le père protecteur, Don Juan et autres Prométhée continuent d'inspirer grandement les figures masculines utilisées dans la publicité (π, LG).

On pourrait aisément dire que le portrait publicitaire de l'homme est certes "adouci" dans la forme mais que, dans le fond, il véhicule toujours les mêmes valeurs intemporelles : le courage, l'honneur, la force, le savoir...

On pourrait donc aisément dire que le portrait publicitaire de l'homme est certes "adouci" dans la forme mais que, dans le fond, il véhicule toujours les mêmes valeurs intemporelles :le courage, l'honneur, la force, le savoir... La figure du "héros" qu'incarne Zidane en publicité le démontre amplement... Des goûts toujours classiques : l'automobile reste son "joujou" (Peugeot), le sport sa passion (L'Equipe), passer du temps avec ses amis un de ses passe-temps favoris (Coeur de lion)... Parfois dans une bande mixte, mais aussi "entre mecs", sans oublier la drague...

En effet, si l'homme d'aujourd'hui se préoccupe de son apparence, ce n'est bien évidemment pas toujours "comme une femme", comme un homme-objet, mais bien souvent comme un dragueur conquérant qui se soucie plus de séduire que de se plaire (d'Axe à Wilkinson).A contrario, on ne pourra ignorer l'absence toujours notable pour ne pas dire criante de l'homme dans le domaine de l'entretien : papa certes, cuisinier aussi, mais rarement voire jamais en train de nettoyer les sanitaires ou la salle de bains, ou de faire la lessive.

Dans ces communications, l'homme se contente de faire tapisserie pour admirer le travail de sa compagne ou d'apparaître dans le rôle de l'expert, blouse blanche et lunettes à l'appui. On ne peut nier que la représentation de l'homme dans la publicité est "politically correct" : pas de violence, pas de démonstration de force gratuite, de la sympathie, de la proximité avant tout, voire une image humoristique. Il s'agit d'une virilité "soft", qui n'hésite pas à flirter avec les attributs de la mère (un homme tout à la fois protecteur et nourricier, pédagogue et aimant, père et mère). Néanmoins, si l'image de l'homme a partiellement évolué dans la publicité, ce changement est mesuré, comme on peut s'y attendre d'un outil de communication qui surfe sur les évolutions plus qu'il ne les anticipe ou les devance.

Et pour ouvrir une perspective sur le sujet, il paraît judicieux d'envisager la question de l'image de l'homme dans la publicité "en relatif"...
Est-ce l'image de l'homme qu'il faut analyser ou bien l'image des sexes ? Comment l'image de l'homme a-t-elle évolué vs celle de la femme ? Plus ou moins ? Dans quelles directions ? Si les chasses gardées de l'homme et de la femme le sont de moins en moins dans la vie et dans la communication, il est certain qu'il s'agit en publicité d'évolutions plutôt douces...
A suivre donc.

Virilité

Notes

(*) directeur général de Pascal et Thierry (groupe DDB)
Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot