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Revue des Marques - numéro 58 - Avril 2007
 

Critères ethniques, la France, royaume de l'anti-pragmatisme

Les critères ethniques relèvent-ils d'une mode ? Est-ce une affaire de média, de politique sociale ? Peut-on y associer une réalité marketing ? Clarifions un peu le débat en revenant sur terre.

Propos recueillis par Helen ZEITOUN*.



Critères ethniques, la France, royaume de l'anti-pragmatisme
Abattons les murs entre les besoins concrets des consommateurs et du marketing et la fausse peur sociale et politique à l'égard des populations ethniques qui par ailleurs sont des consommateurs. Aujourd'hui, le sujet est important parce qu'en France, l'ambiguïté juridique sur l'interrogation des populations ethniques devient incompatible avec les besoins des entreprises de mieux comprendre leurs consommateurs : les instituts d'étude sont pris en étau, les entreprises insatisfaites ou prennent des risques inutiles.

Deux catégories de critères

Première question : qu'est-ce qu'un critère ethnique ? Il y a déjà confusion à ce niveau.Deux sortes de critères ethniques existent. Les critères ethniques qui relèvent du pays de naissance, du pays de naissance des parents, des nationalités d'origine. Appelons ces critères, critères de “nationalité”. Ces critères sont utilisés par l'INSEE depuis que la France est une République (1871), sauf le critère nationalité des parents introduit par l'INSEE en 2005. Mais la CNIL n'autorise pas l'enregistrement de ces données dans des fichiers de gestion. Qu'est-ce qu'un fichier de gestion ? Deuxième catégorie de critères : les critères ethniques qui relèvent de données ethno-raciales, de la couleur de la peau ou de la religion (“noir”, “blanc”, “juif”, “musulman”…). Appelons les critères “ethno – raciaux”. Ces critères dits “sensibles” par la loi de 1978 sont rejetés, et pourtant peuvent être introduits dans les enquêtes de statistiques publiques si elles sont pertinentes au regard du sujet traité et, si les intéressés donnent leur accord écrit. Mais quid du marketing dans ce contexte ?

En France, l'ambiguïté juridique sur l'interrogation des populations ethniques devient incompatible avec les besoins des entreprises de mieux comprendre leurs consommateurs.

Une vision déformée du marché

Le marketing a pourtant des besoins très pragmatiques. Pour les entreprises, les consommateurs français sont définis en tant que “consommateurs”, quelle que soit la couleur de leur peau, leur religion, ou leur pays d'origine. Ces consommateurs sont différents et leur diversité est de plus en plus forte et médiatisée. La diversité officielle telle que considérée par le marketing porte sur les critères socio-démographiques “admis”:âge, sexe, profession, niveau d'éducation, taille du foyer, région, type d'habitat, etc. La diversité officieuse porte sur les critères ethniques qui deviennent cependant fondamentaux pour deux raisons. Tout d'abord parce que le marketing de niche se développe pour mieux répondre aux attentes de population spécifiques et pour développer un Retour sur Investissement (ROI) plus efficace. Sur le plan de l'activité des entreprises ainsi que sur celui qui consiste à faciliter la vie de tous les consommateurs, il est plus que pertinent de créer et d'élargir des offres de produits cosmétiques ou capillaires adaptées aux peaux noires, des offres de package de téléphonie mobile adaptées aux populations moins aisées dont les familles sont à l'étranger, des offres de produits alimentaires dans le respect de certaines religions, etc. Bref tout ceci est logique ; on est bien loin des termes qui effraient (“discrimination positive”…).

Deuxième raison : le marketing a besoin d'avoir une photographie complète et réaliste de son marché, de ses consommateurs potentiels, pour bien travailler et construire sa stratégie. Comment déterminer les bons “drivers” de sa stratégie si le marketing n'a pas les bons instruments de travail, s'il n'a qu'une vision déformée de son marché ? Un marché structuré par des critères “officiels” mais non par les critères ethniques “officieux”,est simplement biaisé, surtout sur certaines catégories de produit fortement segmentées par les populations ethniques. Les études au service du marketing sont donc “coincées”. Bien sûr, tous les instituts cherchent les moyens de contourner le problème tout en restant dans la légalité.Mais cette stratégie est court-termiste et ne suffit plus. Ne pas interroger de manière plus ouverte et admise des populations spécifiées par certains critères ethniques conduit à ne pas bien répondre aux questions marketing sur les attentes des populations ethniques, leur réactivité à des offres de produit, de promotion, adaptées. C'est surtout biaiser tous nos échantillons dits “représentatifs”.Concrètement, un taux de notoriété ou de pénétration d'un opérateur de téléphonie mobile sur le marché français a de bonne chances d'être faux s'il ne considère pas un “quota” (c'est le terme statistique, bien sûr) sur les critères ethniques pertinents au même titre que sur les critères socio-démographiques officiels. Esomar a lancé ce débat en juin 2006 lors d'une conférence de presse organisée à Paris. Le sujet a été considéré suffisamment sérieux pour que le Syndicat des Etudes de Marché et d'Opinion, Syntec mène depuis janvier dernier une commission très active sur le marketing ethnique et les études. Les besoins vont grandissant. Ce message est aussi un appel à ceux qui souhaitent contribuer à un assouplissement de la rigidité actuelle paralysante.

Notes

(*) Représentante Esomar France et Directeur Général GfK Custom Research France
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