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Revue des Marques - numéro 52 - Octobre 2005
 

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?

Le dragon se réveille, avide de consommation et de marques et porté par la génération "I want it now".

Par Brice AUCKENTHALER*

"D'ici à 2010, la Chine sera capable d'imposer internationalement des marques du niveau de Dior ou de Gucci..." affirme Zheng Lawrence, patron de ShanShan, groupement de douze marques chinoises ! Petit rappel historique utile pour une mise en perspective : l'Empire du Milieu (Zhongguo) a dominé l'économie mondiale pendant dix-huit de ces vingt derniers siècles, avant de s'endormir au début du XIXème siècle et d'être lobotomisé par cinquante ans de communisme. Depuis 1992 a été lancée la réforme du système économique, avec l'ouverture de "zones économiques spéciales" (Shenzhen, Shanghai, Canton...) qui s'auto concurrencent et créent une stimulation qui mène la révolution industrielle et marketing à vitesse forcée, dans les traces des dragons asiatiques... A ceci près que la Chine n'est pas un Japon de plus, mais six Japon ! Release the dragon : la taille du pays, son immense réservoir de main d'œuvre, sa faim de re-démontrer au monde qu'il est de retour sur le devant de la scène... permettent une montée en puissance extraordinairement rapide. Jugez-en : l'Empire pesait 1.5 % des échanges mondiaux au début des années 1980, et déjà 6 % aujourd'hui ; en 2003, la Chine a créé 120 milliards de dollars de richesses supplémentaires (soit vingt fois plus que la France) ; la Chine est aujourd'hui le premier fabricant de jouets mondial (20 000 entreprises chinoises travaillent dans le secteur !), le premier fabricant de chaussures (1 400 entreprises, 2.5 M de chaussures produites), le premier fabricant de produits blancs (16 M de réfrigérateurs produits, 16 M de machines à laver... 107 M de ventilateurs...), le troisième fabricant d'ordinateurs et détient 80 % de la production de DVD...

La 2ème nation scientifique du monde

La Chine est également en train de devenir le "laboratoire de la planète) (titre de l'Express du 9/08/2004) et se met à "produire" des logiciels mais aussi des étudiants pour le MIT. On compte déjà 300 millions d'abonnés au téléphone portable en Chine en 2004. Entre 1991 et 2003, 223 nouveaux centres de R&D ont été ouverts et les dépenses de R&D sont passées de 0.7 % à 1.3 % du PIB ; aujourd'hui, la Chine est n°3 mondial en matière d'investissements R&D (72 milliards de dollars, soit exactement deux fois plus que la France). Forte de 700.000 chercheurs, la Chine s'affiche déjà comme la 2ème nation scientifique du monde derrière les États-Unis. Et Shanghai compte 26 parcs technologiques...

"...D'ici à 2010, la Chine sera capable d'imposer internationalement des marques du niveau de Dior ou de Gucci..."

Le ratio investissements/PIB est cinq fois plus élevé que celui du Japon en 1990 et des Etats-Unis en 2000. Huawei, l'Alcatel chinois, vient d'embaucher 10 000 personnes pour sa R&D et L'Oréal inaugurera l'Institute for Ethnic Hair and Skin research au printemps 2005 à Pudong, dans la banlieue de Shanghai... Quelles sont les autres preuves de cette tendance chinoise que nous avons appelée Hyper-Occident ? Ce néologisme témoigne que la Chine a bien compris et assimilé les concepts occidentaux, et qu'elle a faim de prouver au reste du monde qu'elle est capable de faire non pas la même chose mais mieux...

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?
TCL, fruit de la fusion
de TTE avec Thomson
en 2004

A la différence du Japon, où nous nous rendons régulièrement (cf Revue des Marques n°42, avril 2003) la Chine nous paraît, pour l'instant, marier moins harmonieusement son passé et son avenir. Elle s'ouvre à vitesse "grand V" au monde occidental, mais s'ouvre aussi à ses propres racines que beaucoup de Chinois redécouvrent (les temples sont un des principaux lieux de tourisme... y compris pour les "mainland" - chinois de Chine). D'où une fracture entre l'Hyper-Occident des buildings et des lieux de shoppings des villes de la côte Est et les ruraux du centre et de l'Ouest : un tiers des 1.4 milliard de Chinois vivent désormais dans les grandes villes.

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?

Il en reste quand même 800 millions à la campagne, dont 120 millions qui seraient en quête de travail dans les grandes villes ; 30 % seulement des revenus sont générés par les ruraux et un paysan chinois gagne en moyenne trois fois moins qu'un citadin (263 € annuels vs 864 €), et l'écart continue à se creuser malgré la croissance économique : hausse de + 4.3 % à la campagne vs + 9.3 % dans les villes... 3.000 buildings ont été bâtis en quatre ans à Shanghai. Et la Chine est devenue le 3ème marché automobile mondial ; les ventes de véhicules aux particuliers devraient tripler d'ici 2010, à 5.8 millions d'unités. A titre d'exemple de cet hyper-Occident pressé de faire mieux que son modèle, la Chine est le marché où la série 7 de BMW (250.000 $, soit deux fois le prix des Etats-Unis !) s'est le mieux vendue au monde.
Mot d'ordre général (traduction presque littérale de : l'incantation de Deng Xio Ping "Enrichissez-vous") : "I want it, I want it now, I want money to achieve". Après avoir été pressurés par le communisme, les Chinois sont désormais pressés.

La Chine est aujourd'hui le premier fabricant de jouets mondial, le premier fabricant de chaussures, le premier fabricant de produits blancs, le troisième fabricant d'ordinateurs et détient 80 % de la production de DVD...

Des marques, oui, mais de qualité

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?
Entrée du spa Evian

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?

La Chine, modèle d'hyper - Occident ?
Gamme WaterCare de
Nestlé Waters China,
lancée en juin 2004

L'Hyper Occident chinois signifie également qu'il ne faut pas penser que, parce que la Chine est encore composée de 60 % de ruraux, on peut y vendre nos produits de seconde main. Ils veulent le dernier cri. Ainsi, dans l'automobile, Citroën a connu un échec avec la ZX, lancée pourtant en avant-première mondiale en Chine, mais jugée pas assez chic en regard de l'image qu'une marque française devait donner. Même problème avec la première version de la Picasso, dont le design rappelait trop le look "pain de mie" des vieux autobus chinois. Nos marques, pour s'inscrire dans le paysage chinois, ont dû déployer de savantes recherches pour adapter leur phonétique voire leur formule : ainsi Danone a mis au point des biscuits Tuc aux algues pour coller aux goûts locaux. Cadbury ("De By Lee", les 100 chances de la Fortune) a découvert au travers d'études qu'il était vain de vouloir vendre des tablettes de 200 g de chocolat aux Chinois, pour lesquels le chocolat est un ingrédient trop Yang, à consommer donc avec modération ; la gamme Cadbury s'est adaptée en sachets de mini-doses de 8 g ; Andros ("Aiguoshi" = "L'homme des fruits") a dû liquéfier ses compotes pour qu'elles puissent se boire à la paille ou à la petite bouteille car les Chinois n'ont pas de cuiller.
Cinq initiatives symbolisent l'Hyper-Occident chinois : tout d'abord le Spa Evian, lieu richissime (1 000 yuans / 100 € pour 1 heure ? de massage facial) extraordinairement bien conçu situé sur le Bund à Shanghai, et réservé à l'élite shanghaienne, qui vient s'y détendre de son stress hyper-occidental. La Chine hyper-occidentale, ce sont aussi des marques telles que SINA.com, le Google chinois, fondé en 1996 par Wang Yan, 32 ans, francophile averti, 1er portail Internet en Chine, 1 500 personnes dont 300 en R&D, 30 milliards de hits quotidiens, 300 millions de pages vues... 3ème traduction de l'hyper-occident : Watercare, nouveauté mise au point par Nestlé Waters China qui pourrait incarner la Chine de demain : aspirationnelle (un look trendy), un vrai bénéfice (une gamme d'eaux supplémentées "cosmetic inside"), des ingrédients locaux ( je suis fier de mon pays), et un produit clairement identifié (de l'eau, pas un OVNI). Et surtout dédiée aux femmes chinoises actives. 4ème initiative hyper-occidentale : la chirurgie esthétique est devenue la 5ème tendance de consommation après l'immobilier, l'automobile et le tourisme... 10 000 instituts et 30 % d'augmentation/an...
Enfin, au moment où nous étions en Chine, China Daily annonçait fièrement que Geegly était la première marque chinoise d'automobile à exporter aux Etats-Unis ses "affordables car for the masses...", suivant ainsi le même chemin que les Coréens dix ans plus tôt.
As Watson (acheteur de Marionnaud en février 2005), Haier, Shanghai Automotive, Gome, Bird, Wahaha, LiNing..., la Chine est en train de créer des PowerBrands, les Sony, Cisco ou Renault de demain. Mais la Chine est d'abord et avant tout un gigantesque marché intérieur. Avant que ses entreprises n'envahissent le monde, il y a du travail "intra-muraille" où tout reste à faire...

Notes

(*) Directeur associé d'expertsconsulting, conseil en stratégie de marque, innovation et prospective
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