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Revue des Marques - numéro 49 - Janvier 2005
 

 

Les atteintes au droit de marque : quelques actualités !

par Jean-Christophe Grall, avocat à la cour de Paris - Meffre & Grall
 
Article écrit avec la collaboration d'Emmanuelle Laur Pouëdras

Les atteintes au droit de marque ne manquent pas ; nous le savons tous, créateurs, agences de publicité, services marketing, commerciaux et juristes. La jurisprudence récente et toujours renouvelée nous le rappelle, en venant le démontrer avec force !
 
La fin des contrefaçons partielles ou par adjonction au profit de l'extension de la contrefaçon par imitation et de la nécessité corrélative de démontrer un risque de confusion
 
Il s'agit ici de comparer deux signes revendiqués pour des produits ou services identiques.
 
L'article L.713-2 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) interdit, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction d'une marque pour des produits ou services identiques.
 
L'article L.713-3 alinéa 2 du même code interdit, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque pour des produits ou des services identiques.
 
Alors qu'auparavant, la reproduction d'une marque quasi-identique et la reproduction partielle par retrait ou adjonction, étaient considérées comme des reproductions à l'identique, aujourd'hui, en dépit de la présence à l'identique d'un terme d'une marque complexe dans une autre marque postérieure, il convient de se placer sur le terrain de l'imitation [article L.713-3 du CPI] et la seule reprise d'un terme à l'identique n'entraîne pas, ipso facto, un risque de confusion.
 
Premier principe dégagé : dans un arrêt de la CJCE du 20 mars 2003, rendu dans une affaire LTJ Diffusion c/ Verbaudet (sur question préjudicielle du Tribunal de grande instance de Paris) s'agissant des marques « Arthur » et « Arthur et Félicie », il a été considéré « qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen ».
 
Ce principe a été illustré par la décision suivante :
• Cour de cassation, chambre commerciale, 4 février 2004, Monsieur Terzibachian et Sport Equipement c/ La Redoute Catalogue : relative à une dénomination « Sun Valley », notamment pour des vêtements, contre une dénomination « Deep Valley » pour les mêmes produits.
 
La Cour de cassation a estimé qu'il n'y avait pas de reproduction à l'identique de la marque « Sun Valley » par la marque « Deep Valley », dans la mesure où le terme « Valley » n'a de caractère distinctif que par association avec le terme « Sun » et qu'en l'absence de reproduction à l'identique, la contrefaçon ne pouvait être appréhendée que sous l'angle de l'imitation et de la démonstration d'un risque de confusion, preuve non rapportée en l'espèce.
 
Deuxième principe dégagé : le juge doit se livrer à une comparaison d'ensemble des signes, pris en tous leurs éléments, pour apprécier l'existence d'une confusion pour des consommateurs d'attention moyenne, n'ayant pas sous les yeux en même temps les deux signes en cause.

• Cour d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 décembre 2003, Institut Jeanne Piaubert c/ Matta et Directeur de l'INPI : décision relative aux dénominations « skinbreakfast » et « petit déjeuner de la peau » pour des produits cosmétiques.
 
La Cour a procédé à une appréciation globale des deux signes en présence et estimé que s'il n'existait aucune ressemblance visuelle ou phonétique entre les signes, il y avait une forte ressemblance conceptuelle, le consommateur pouvant estimer que « petit déjeuner de la peau » est une déclinaison française de « skinbreakfast » et que les produits étant identiques, il y avait un risque de confusion.
 
L'emploi d'une autre langue n'empêche donc pas l'existence d'une contrefaçon de marque.
 
• Cour de cassation, chambre commerciale, 26 novembre 2003, 4 arrêts : Technisynthèse c/ Blue Green et Directeur de l'INPI, les signes en cause étant « TBS » et « BS » ; Estée Lauder c/ Clinique du Rond-point des Champs Elysées, les signes en cause étant « Clinique » et « Clinique du Rond-point des Champs Elysées » ; Pinault Printemps Redoute c/ Directeur de INPI et Orangina, les signes en cause étant « Moove » et « Orangina move » ; Néopost c/ Directeur de l'INPI et La Poste, les signes en cause étant « N'Post » et « La Poste ».
 
La Cour de cassation, dans ces quatre arrêts rendus le même jour, a fait une application des principes énoncés ci-dessus.
 
Dans les deux premières affaires, elle a estimé qu'il n'y avait pas contrefaçon du fait de l'absence de risque de confusion.
 
Dans la troisième affaire, un risque de confusion avait été relevé par la Cour d'appel, toutefois la décision de la Cour d'appel a été cassée dans la mesure où elle n'avait fait que constater l'existence de similitudes entre les signes en question sans procéder à une appréciation globale des deux signes.
 
Dans la quatrième affaire, la Cour d'appel avait considéré qu'il y avait reproduction quasi-servile du signe « La Poste » par le signe « N'Post » et que le moyen tiré de l'existence d'un risque de confusion n'était pas pertinent. Elle a donc vu sa décision cassée par la Cour de cassation.
 
Le cas particulier des atteintes aux marques de renommée
 
Les marques de renommée bénéficient d'un régime de protection particulier caractérisé par l'extension du champ de protection de la marque au-delà des produits et services désignés, protection étendue sur le fondement de l'atteinte parasitaire et la valeur de la marque. La protection pour les marques de renommée vaut aussi bien à l'égard des signes identiques que similaires.
 
A  titre d'illustration : CJCE, 6ème chambre, 23 octobre 2003, Adidas Salomon et Adidas Benelux c/ Fitnessworld Trading.
 
La société Adidas, dont la marque est représentée graphiquement par trois bandes et protégée au Benelux, a estimé qu'il existait un risque de confusion entre sa marque et celle de la société Fitnessworld Trading qui commercialise, dans ces mêmes pays, des vêtements de sport portant un motif composé de deux bandes verticales. La société Fitnessworld Trading soutenait que le motif adopté par elle était une simple décoration. La CJCE, sur question préjudicielle des juges néerlandais précise le régime des marques de renommée en indiquant tout d'abord qu'il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence d'un risque de confusion entre les signes contestés et la marque de renommée et qu'il suffit de démontrer que le public concerné établit un lien entre les deux, même s'il ne les confond pas.
 
En revanche, si le public ne considère le signe contesté – en l'occurrence les deux bandes – que comme une décoration, il n'établit pas de lien entre le signe et la marque de renommée et, dès lors, il n'y a pas atteinte à la marque de renommée.
 
La CJCE estime donc qu'il y a une appréciation de fait à mener par les juges nationaux et laisse le public juge entre motif décoratif ou marque.
 
Contrefaçon de marque et responsabilité de l'agence de publicité­
 
• Tribunal de grande instance de Paris, 25 juin 2003, Naf Naf c/ Riverland Nouvelle et Ab Initio
 
La mention « never look back » par la société Riverland Nouvelle sur des vêtements a été estimée comme contrefaçon de la marque de la société Naf Naf « don't look back ». La société Riverland Nouvelle a, par voie de conséquence, appelé en garantie son agence de publicité.
 
La responsabilité de l'agence n'a pas été retenue au motif « qu'aucune stipulation contractuelle n'obligeait la société Ab Initio (l'agence) à faire des recherches d'antériorité, d'autant qu'il lui était demandé par la société Riverland Nouvelle de proposer des signatures et non une marque ».
 
­• Cour d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 mai 2003, Axa France Assurance et Axa Assurances Iard c/ La Place.
 
Les sociétés Axa ont été condamnées pour avoir utilisé, à l'occasion de la mise sur le marché d'un nouveau produit d'assurance, un visuel (parapluie) estimé comme la contrefaçon d'une marque appartenant à une autre compagnie d'assurances. Elles ont donc appelé dans la cause l'agence de publicité (la société La Place) réalisatrice de la campagne litigieuse.
 
Le Tribunal a partagé la condamnation entre les sociétés Axa et cette agence.
 
La Cour d'appel retient en revanche la demande des sociétés Axa de se voir intégralement garantir par l'agence de publicité et de se voir en outre dédommagées du préjudice lié au retrait de leur campagne de publicité, au motif que s'il n'existait pas de contrat écrit, la preuve d'un contrat était possible par tous moyens et qu'il ressortait des pièces que l'agence de publicité avait en charge la conception et la réalisation de la campagne publicitaire, que Axa n'avait fait que choisir parmi plusieurs pistes créatives, que l'agence était tenue de s'assurer préalablement que le graphisme proposé pourrait être exploité sans risque, peu important que le graphisme ne devait pas constituer un signe distinctif des produits Axa dès lors qu'il avait vocation à être publiquement diffusé.
 
La perte du droit sur la marque : la déchéance pour défaut d'usage sérieux sans juste motif, pendant une période ininterrompue de cinq ans
 
Attention au retour de boomerang dans les actions en contrefaçon : en effet, un moyen de défense fréquemment invoqué par le défendeur à une action en contrefaçon de marque est de soulever la déchéance de la marque prétendument contrefaite pour absence d'usage sérieux pendant cinq ans [Article L.714-5 du CPI]. Plusieurs décisions rendues au cours de l'année écoulée viennent préciser comment apprécier l'existence d'un usage sérieux.
 
L'exploitation doit être justifiée produit par produit, service par service, il n'y a pas d'exception d'exploitation partielle :
 
­• Cour de cassation, chambre commerciale, 21 janvier 2004, Vania Expansion et Laboratoires Polivé c/ Pichon Frères.
 
Les sociétés Vania et Polivé ont demandé la déchéance de la marque Sporflex de la société Pichon pour désigner tous éléments vestimentaires pour le sport. Cette déchéance a été refusée par la Cour d'appel qui a retenu que la société Pichon produisait des factures visant des poignets de contention et des bracelets de tennis elbow et que les autres articles visés dans l'enregistrement étaient des produits similaires à ceux pour lesquels était apportée une justification de l'exploitation de la marque. Cette décision a été censurée par la Cour de cassation au motif que « la similitude entre les produits ou services ayant fait l'objet d'une exploitation et ceux dont il est prétendu qu'ils n'en ont pas fait est inopérante au regard de l'action en déchéance de marque, en ce qu'elle porte sur ces derniers ». Il en résulte que l'usage d'une marque pour certains produits ou services ne vaut pas pour les autres produits ou services visés dans l'enregistrement.
 
Quel est le « seuil » au-delà duquel l'usage est sérieux ?
 
A titre d'illustration, citons une décision de la CJCE : 27 janvier 2004, La Mer Technology c/ Laboratoires Goemar.
 
Comme l'a bien résumé avec humour un auteur, cette affaire répond à la question « de l'incidence du flop commercial sur l'usage de la marque » ainsi qu'à la question de la prise en compte d'éléments postérieurs à la période des cinq années. Il s'agissait de produits cosmétiques que la société La Mer Technology voulait commercialiser au Royaume-Uni. S'apercevant que les Laboratoires Goemar disposaient déjà de deux marques « Laboratoires de La Mer », la société La Mer Technology a agi en déchéance de ces marques pour pouvoir enregistrer la sienne.
 
Une telle demande a été rejetée par les instances anglaises, ce qui a fait l'objet d'un recours devant la High Court qui, avant de se prononcer, a posé des questions préjudicielles à la CJCE. LA CJCE a estimé qu'un usage minime de la marque pouvait être considéré comme sérieux s'il répondait à une volonté effective de percer un marché réticent et non pas à une simple volonté de maintenir artificiellement la marque en vigueur. La CJCE a en outre précisé que des circonstances postérieures à la période de référence de cinq ans pouvaient être prises en considération pour apprécier le caractère sérieux de l'usage et la volonté du titulaire de la marque de percer le marché, circonstances telles que la conclusion de nouveaux contrats de distribution, la recherche de nouveaux importateurs ou, au contraire, l'arrêt brutal de toutes démarches.
 

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