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Revue des Marques - numéro 46 - Avril 2004
 

 

Marque et Brevet : dispositions comparatives de ces deux droits de propriété industrielle protection et défense du capital industriel de l'entreprise et de son savoir faire

par Jean-Christophe Grall Avec la collaboration d'Emmanuelle Laur-Pouëdras M&G - Meffre & Grall  Avocats à la Cour

Une marque et un brevet permettent tous deux de protéger ce qui fait la spécificité et la richesse d'une entreprise.
 
La marque est destinée à identifier clairement le nom de l'entreprise et de ses produits et/ou services, le brevet étant destiné quant à lui à protéger le savoir faire de l'entreprise.
 
Il s'agit de deux armes complémentaires qui obéissent à des règles différentes, qu'il s'agisse des conditions d'acquisition ou de la durée de protection, par exemple, mais dont les mécanismes de défense sont extrêmement proches.
 

Les critères pour l'enregistrement d'une marque ou d'un brevet

Le seul critère qui prévaut dans l'étude d'un signe susceptible d'être enregistré à titre de marque est celui du caractère distinctif du signe ainsi choisi, c'est à dire sa capacité à distinguer sans équivoque possible les produits ou services qu'il va être amené à désigner de ceux de la concurrence. Dans l'enregistrement figure la désignation des produits et/ou services pour lesquels une protection est revendiquée.
 
Les critères qui prévalent dans l'étude d'une invention susceptible d'être protégée par un brevet sont au nombre de trois : la nouveauté, c'est à dire que l'invention ne doit pas être comprise dans l'état de la technique ; l'invention devant en outre impliquer une activité inventive (on recherche l'absence d'évidence de l'invention) et être susceptible d'application industrielle. Le brevet doit mentionner les revendications, c'est à dire une description des éléments constitutifs de l'invention pour lesquels la protection est demandée.
 

Le titulaire de la marque ou du brevet

- Pour la marque, le titulaire est celui sous le nom duquel la marque est déposée ou son ayant cause.
 
La question de l'intervention d'un salarié dans la création du signe qui va être enregistré à titre de marque ne se pose pas véritablement.
 
En revanche, il est fréquent que les entreprises fassent appel à une agence extérieure dont le rôle est de proposer des noms qui pourraient désigner des nouveaux produits ou services de l'entreprise. C'est le cas, par exemple, pour des constructeurs automobiles ou des banques qui externalisent le choix du nom d'un nouveau modèle ou d'un nouveau produit financier. Dès lors, les signes ainsi trouvés sont la propriété de l'agence à laquelle il a été fait appel dans la mesure où cette dernière les a créés, mais il sera prévu dans le contrat une cession des droits de l'agence sur un ou plusieurs des noms retenus et la possibilité pour l'entreprise d'enregistrer à titre de marque ces noms ou certains d'entre eux.
 
- Le droit au brevet appartient à l'inventeur ou à son ayant cause.
 
La question fondamentale pour les entreprises est celle de l'invention effectuée par un salarié. Plusieurs hypothèses doivent être envisagées : l'invention réalisée dans le cadre d'une mission confiée par l'employeur et l'invention réalisée hors mission.
 
Dans la première hypothèse, c'est à dire une invention de mission, réalisée dans le cadre d'un contrat de travail ou dans le cadre d'études ou de recherches confiées explicitement par l'employeur, il est prévu – sauf stipulations contractuelles plus favorables au salarié – que l'invention appartient à l'employeur, ce dernier devant toutefois verser une rémunération complémentaire à son salarié.
 
Dans la seconde hypothèse, c'est à dire une invention hors mission, il est prévu – là encore, sauf stipulations contractuelles plus favorables au salarié – que l'invention appartient au salarié. Toutefois s'il s'avère que l'invention a été faite « soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance de techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle », l'employeur bénéficie du droit de se faire attribuer l'invention, moyennant un juste prix versé au salarié.
 
En tout état de cause, l'inventeur qu'il soit ou non salarié est mentionné comme tel dans le brevet.
 

La durée de la protection

La durée de protection d'une marque et d'un brevet est sensiblement différente, ce qui peut s'expliquer par le fait qu'il n'est pas ou peu gênant d'accorder une protection très longue, voire illimitée, au titulaire d'une marque dont le monopole sur un signe appliqué à une certaine catégorie de produits ou services n'est pas de nature à priver d'autres entreprises d'un élément fondamental, alors qu'il peut être de l'intérêt commun de laisser accessible à tous, au delà d'une certaine période du moins, un certain savoir faire.
 
- La durée de la protection d'une marque est de dix ans à compter de la date de dépôt de la demande. Cette protection peut-être renouvelée indéfiniment.
 
- Un brevet d'invention est délivré pour une durée de vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande.
 

Les conditions de maintien de la protection

Afin que le titulaire d'une marque - qui dispose sur ce signe d'un droit de propriété pour les produits et services désignés et ceux qui sont similaires, à condition de démontrer un risque de confusion – ou que le titulaire d'un brevet - qui dispose sur l'invention ainsi brevetée d'un droit exclusif d'exploitation - puisse conserver son monopole pendant toute la durée de protection encore convient-il de faire usage de ces droits.
 
- S'agissant de la marque, s'il n'en est pas fait un « usage sérieux », c'est à dire non sporadique, pendant une période ininterrompue de cinq ans, le titulaire de la marque encourt la déchéance de ses droits sur le signe. C'est à dire que tout personne qui y a intérêt peut demander la déchéance de la marque ; il s'agira en général de concurrents qui commercialisent des produits ou services similaires ou identiques.
 
- S'agissant du brevet, toute personne de droit privé ou public peut obtenir une licence obligatoire du brevet dans les hypothèses suivantes : (i) si le titulaire du brevet n'a pas commencé à exploiter ou procéder à des préparatifs sérieux en vue d'exploiter son invention sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace Economique Européen, ou s'il n'a pas commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins du marché français et ce, dans les trois ans après la délivrance du brevet ou dans les quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande, (ii) si l'exploitation ou si la commercialisation envisagées dans la première hypothèse ont été abandonnées depuis plus de trois ans.
 
La demande de licence obligatoire est formulée auprès du Tribunal de grande instance et n'est accordée qu'à des personnes justifiant n'avoir pu obtenir une licence du titulaire du brevet et être en mesure d'exploiter sérieusement l'invention.
 
Enfin, le propriétaire du brevet encourt la déchéance de ses droits en cas de non paiement des redevances.
 

La lutte contre les contrefaçons

Les actions civiles liées aux atteintes portées à une marque ou à un brevet sont du ressort des Tribunaux de grande instance, étant précisé que pour le brevet, seuls dix tribunaux en France sont compétents.

Dans les deux hypothèses, il est souvent intéressant de se préconstituer une preuve de la contrefaçon, pour cela plusieurs possibiliéts existent et notamment : la saisie contrefaçon, qui doit être autorisée par un juge (ce n'est toutefois pas un préalable indispensable à une action en contrefaçon) ou une expertise technique.

Par ailleurs, une action en contrefaçon diligentée devant un tribunal nécessitant souvent plusieurs mois, il est parfois indipensable d'obtenir l'interdiction provisoire des actes de contrefaçon, sous astreinte, ou, à tout le moins, la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du breveté ou du titulaire de la marque et ce, en attente de la décision au fond. Il s'agit alors d'intenter une action en référé (qui existe aussi bien en matière de marque qu'en matière de brevet), cette action supposant, d'une part, que le tribunal soit déjà saisi d'une action au fond en contrefaçon, d'autre part, que la demande présente un caractère sérieux et enfin que la procédure de référé soit intentée dans un bref délai à compter de la date à laquelle le breveté ou le titulaire de la marque a eu connaissance des actes de contrefaçon.
 

La dimension communautaire

Pour mémoire et enfin, on rappellera qu'il existe une protection d'envergure communautaire tant en matière de marques que de brevets.
 
- Une marque peut être ainsi enregistrée auprès de l'Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI), qui délivre une marque communautaire, protégée de façon uniforme dans tout la communauté européenne.
 
- S'agissant du brevet, il existe ou plutôt existera prochainement, une double dimension européenne. En effet, il existe déjà le brevet européen dont la demande est faite auprès de l'Office Européen des Brevets (OEB) et qui vise à l'obtention d'un droit ayant pour assiette un ensemble variable d'Etats contractants de la convention de Munich du 5 octobre 1973 (le déposant devant choisir dans quels Etats il souhaite bénéficier d'une protection).
 
Parallèlement, il existera prochainement un brevet communautaire, issu de la Convention de Luxembourg du 15 décembre 1975 dont les grandes lignes sont au point depuis mars 2003, mais pour lequel nous sommes dans l'attente d'un règlement du conseil. Ce brevet communautaire sera valable pour tout le territoire de la communauté européenne, l'OEB jouera un rôle dans l'examen et la délivrance de ce brevet et le brevet communautaire ne pourra être cumulé, pour une même invention, avec un brevet national.
 
 
Cette brève étude comparative de la marque et du brevet montre l'intérêt de les combiner pour conférer aux produits et services de l'entreprise une protection renforcée.
 
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