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Revue des Marques - numéro 35 - Juillet 2001
 

 

LES MARQUES CONSTITUEES PAR DES MOTS DU LANGAGE COURANT

Il est parfaitement admis qu'un mot du langage courant peut constituer une marque valable puisqu'il n'est pas nécessaire qu'un terme soit original pour qu'il bénéficie de la protection des dispositions du Livre VII du Code de la Propriété Intellectuelle.


par Olivier Mendras, avocat à la cour de Paris

• Rappelons que la seule condition qui doit être remplie par un signe pour qu'il constitue une marque valable est qu'il revête un caractère distinctif, c'est-à-dire qu'il ne soit ni nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif appliqué aux produits ou aux services qu'il est destiné à désigner.
 
• Il a ainsi été jugé que le terme "Distinction" constituait une marque valable pour désigner des tissus (Cour d'Appel Paris -2 mars 1971 -Ann. Prop. Ind. 1971 -page 53) ou encore que l' adjectif "Masculin" constituait une marque valable pour désigner des vêtements (Cour d'Appel de Paris - 28 juin 1982 -Ann. Prop. Ind. 1982 - page 115).
 
• Le fait qu'une marque soit constituée par un mot ou une expression du langage courant a toutefois des conséquences sur l' étendue de sa protection qui sera limitée par rapport à celle dont bénéficiera un terme totalement arbitraire.
 
• Ainsi le titulaire des droits sur une marque constituée par un mot appartenant au langage courant ne pourra empêcher l'usage de ce mot commun, dès lors qu'il sera employé dans son sens habituel et non pas à titre de marque, c'est à dire pour distinguer un objet présenté ou offert à la vente.
Il a ainsi été jugé que le titulaire des marques "Terres d'aventures" et "Sports d'aventures" pour désigner les services d'une agence de tourisme ne pouvait s'opposer à l'emploi, dans une brochure présentant des formes de circuits ou de séjours touristiques en Turquie, des expressions "Turquie, sports d'aventure" et "la Turquie, une terre d'aventure" au motif que "si le dépôt d'une marque détermine l'étendue du droit du déposant, il ne saurait priver les tiers de la liberté de se référer aux mots Terres, Sports et Aventure, dans le sens qui leur est donné dans le langage courant pour décrire ou présenter un pays ou présenter des activités; l'emploi de ces mots dans leur sens habituel est licite" (Cour d' Appel de Paris -Il décembre 1996 -Ann. Prop. Ind. 1997 -page 239).
 
• Il a également été jugé que le titulaire d'une marque constiuée par l'expression "Double douceur" pour désigner le lait et les produits laitiers ne pouvait valablement incriminer comme constitutif de contrefaçon l' emploi de cette expression dans le slogan publicitaire "Douceur, double sensation, une passion tellement forte que l'on a envie de vous la faire découvrir", Pour statuer ainsi la Cour d' Appel de Paris, après avoir considéré que l'expression "Double douceur" constituait une marque valable, a rappelé que "s'il ne saurait être contesté que la propriété d'une marque régulièrement déposée confère à son titulaire le droit de poursuivre toute atteinte à celle-ci, ce droit ne saurait avoir pour effet de s'opposer à l'usage normal dans le langage commun par des tiers des termes qui (la) constituent" et "qu'en l'espèce, l'expression "double douceur" était emp1oyée dans le slogan non pas pour se référer indûment à la marque invoquée mais seulement pour désigner à l'attention du consommateur une caractéristique du produit." (Cour d'Appel de Paris -13 novembre 1996- Ann. Prop. Ind. 1997- page 271).
 
• Rappelons encore qu'il a été jugé par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 17 janvier 1997, que le titulaire d'une marque constituée par le mot "Tendresse" ne pouvait valablement incriminer comme constitutif de contre- façon l'usage par un de ses concurrents du slogan "Ne manquez plus de tendresse, faites une cure de coulommiers Coeur de Lion", en rappelant que le monopole conféré par la marque pour certains produits alimentaires ne saurait conduire à en interdire l'usage dans son sens courant au sein d'une phrase grammaticalement construite. (PIED n° 632 -III -272). Les principes dans ce domaine sont donc établis par une jurisprudence constante et maintenant abondante. Ils doivent inciter celui qui recherche une protection totale et absolue de sa marque à faire le choix d'un signe arbitraire, car s'il ne l'est pas ou s'il ne l'est que faiblement, pour reprendre la formule utilisée par Monsieur Paul Mathely dans son ouvrage "Le nouveau droit français des marques" (page 170), "la protection qui lui sera accordée ne pourra priver le domaine public de ce qui lui appartient".  
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