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Revue des Marques - numéro 18 - Avril 1997
 

 

L'INCIDENCE DE LA LOI EVIN SUR LE DROIT DES MARQUES


par Olivier Mendras, avocat à la cour de Paris

• La loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin, relative à la publicité en faveur des boissons alcooliques, ne fait référence qu'une seule fois à la notion de marque, et cela, dans ses dispositions ayant modifié l'article L.17-1 du Code des débits de boissons. Selon ce texte, toute propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique, doit être considérée comme une propagande ou une publicité indirecte pour cette boisson et est donc soumise aux interdictions ou aux strictes restrictions prévues par la loi. Ces dispositions ont une incidence importante sur le droit des marques puisqu'elles aboutissent à rendre indisponible pour la désignation d'autres produits ou services, une dénomination ou un signe distinctif quelconque appliqué à une boisson alcoolique.
 
• Le texte de l'article L.17-1, et c'était là bien évidemment l'objectif de ses rédacteurs, empêche le fabricant d'une boisson alcoolique de promouvoir cette dernière, directement ou grâce à des accords avec une autre entreprise. En effet, une publicité pour d'autres articles désignés par la même marque tels que par exemple des vêtements, pourrait bénéficier au produit qui ne peut être promu librement. Ce texte peut également avoir pour conséquence de priver un tiers, totalement indépendant d'un fabricant de boissons alcooliques, du libre usage de sa marque dès lors que cette dernière aura été adoptée par ledit fabricant.
 
• Remarquons ici que le problème ne se posera pas pour les produits déjà mis sur le marché sous cette marque, par ce tiers, avant le ler janvier 1990, puisque le deuxième alinéa de l'article L.17-1 prévoit que les dispositions précitées du premier alinéa leurs sont alors inapplicables. En revanche, le problème se posera gravement lorsque le tiers aura, postérieurement au ler janvier 1990, lancé sur le marché de nouveaux produits sous sa marque qui sera devenue, à compter de cette date, indisponible pour toute éventuelle extension.
 
• Le problème se posera également lorsqu'une marque choisie après le ler janvier 1990 par un industriel exerçant ses activités dans un autre domaine que celui des boissons alcooliques, sera adoptée pour désigner de telles boissons, car alors toute publicité effectuée par cet industriel tombera sous le coup des dispositions du premier alinéa de l'article L.17-1, ce qui aura pour conséquence de rendre la marque pratiquement inexploitable. La jurisprudence a très heureusement remédié aux très graves inconvénients que créait cette situation résultant de la rédaction de la loi. Des principes très clairs ont ainsi été établis par la Cour d'Appel de Paris, dans une décision rendue le 27 septembre 1990 (Aff. Philip Morris inc. c/ Procter & Gamble - Ann. Prop. Ind. 1990, page 276 - note Paul Mathely). Le litige soumis à la Cour opposait le titulaire d'une marque désignant une lessive à une entreprise ayant postérieurement effectué le dépôt de la même marque visant le tabac et les produits du tabac.
 
• La solution adoptée est parfaitement transposable à l'application des dispositions sus-rappelées de la loi Evin, puisqu'elles ont repris, en ce qui concerne les boissons alcooliques, les règles essentielles régissant précédemment la publicité indirecte en faveur du tabac et des produits du tabac. La Cour de Paris a jugé que le titulaire d'une marque, enregistrée en 1982 pour désigner des lessives, est fondé à incriminer, en le qualifiant d'abusif, le dépôt, effectué en 1984, d'une marque identique par un fabricant de tabac.
 
• La Cour a considéré que le titulaire de la marque première n'exprimait pas des craintes chimériques lorsqu'il se prétendait exposé par ce second dépôt à une application de la loi contre le tabagisme de nature à paralyser l'usage que lui-même aurait pu faire de sa marque. La Cour conclut que le dépôt incriminé doit être annulé puisqu'il a privé la marque antérieure de son efficacité et l'a par suite affectée d'un vice qui n'existait pas auparavant, de telle sorte que ne peut plus être utilement exercé le droit de propriété sur "le signe ainsi pollué". On ne peut bien évidemment qu'approuver les principes dégagés par cette jurisprudence. Ils corrigent les conséquences de l'inattention du législateur et évitent que la réglementation de la publicité dans certains domaines puisse aboutir à une très grave et très préjudiciable remise en cause des droits de titulaires de marques antérieures.

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